Le défi collectif de l’immunité psychologique : douceur, résilience et relationnel

Ecrit par Dorothée Bölling,

Psychologue clinicienne, Psychothérapeute agrée d’état en Allemagne, spécialisation EMDR et Psychotraumatologie

On y est. Ça se passe en ce moment même. En temps réel, nous vivons une période particulière de manière collective. À tous les niveaux. Chacun à sa manière, mais tous en même temps.

Au premier abord on s’attendait peut-être à une période de « jeûne social » au vu de ce confinement, mais le fait est qu’au final nous sommes confrontés aux autres de manière très intensive. À nos co-confinés, mais aussi à nos bien aimés qui sont très loin, à des centaines d’inconnus dont nous lisons et écoutons les propos jour après jour.  À nous mêmes, dans un huis clos émotionnel un peu particulier.

Nous sommes confrontés à une réalité extérieure qui nous contraint et qui nous met des limites. À une réalité collective que nous suivons de loin mais aussi de très près. Nous nous influençons mutuellement. Et nous sommes confrontés à la réalité personnelle, émotionnelle et très intime que nous décidons de nous créer dans notre conscient, jour après jour, heure après heure.

Ça peut faire flipper certains jours où l’on broie du noir, où l’on doute, où l’on se fait du souci face au monde qui nous entoure.

Mais tout ça nous met aussi face à notre propre responsabilité émotionnelle, dans un contexte où l’on a quand même un peu moins d’échappatoires, de distractions ou de fausses excuses pour se défiler. C’est en quelque sorte une expérience de laboratoire in vivo collective.

Je pourrais continuer à écrire pendant des heures et donner mon grain de sel, mais dans ce contexte où le temps semble long mais les choses et les phases défilent a une vitesse lumière, je vais faire un effort pour en venir à l’essentiel de ce que je voudrais partager avec vous aujourd’hui  dans trois mini chapitres : La communication et le relationnel, la douceur et l’acceptation de soi, et pour finir, la résilience psychologique.

La communication et le relationnel

Que ce soit avec ceux qui sont (trop) proches car confinés avec nous, ou (trop) loin car confinés ailleurs, c’est le moment ou jamais de communiquer de manière claire, efficace et empathique ! C’est tout déjà assez compliqué comme ça autour de nous, alors on n’a pas le luxe de l’insouciance émotionnelle pour pouvoir tourner autour du pot pendant des jours, ce n’est pas le moment.

Notre culture de la communication est à revoir, c’est le moment d’oser s’exprimer plutôt que d’aller bouder quand un truc nous turlupine! C’est un bon entraînement! Bon courage, moi aussi je fais de mon mieux dans cette situation de confinement, et cela ne marche pas tous les jours super bien, mais c’est bien le moment ou jamais d’oser se lancer !

Objectivement parlant, c’est pas le moment de se prendre le chou pour des broutilles et de se casser la tête pendant des jours à essayer de deviner ce que l’autre a bien pu vouloir dire quand il disait, d’un ton assez suspect, « peux tu me passer le sel ? ».  Autant économiser l’énergie émotionnelle pour des choses plus essentielle en cette situation actuelle (car c’est comme ça qu’on appelle maintenant la situation actuelle !). Et demander directement « Que voulais tu dire quand tu m’as demandé de te passer le sel, il m’a semblé détecter un sous entendu dans cette question… ». Puis laissez vous surprendre par la réponse. Soit la question sera très vite réglée et vous pourrez assez rapidement passer à autre chose. Ou alors il s’avérera qu’effectivement, le petit ton suspect dans la question assez banale sous entendait en fait que votre co-confiné aimerait que vous vous impliquiez un peu plus dans la gestion et préparation des repas communs, et dans les taches ménagères d’une manière plus globale…et en découlera peut être une longue soirée de discussion sur la répartition des tâches quotidiennes et du quotidien en général, selon les besoins profonds de chacun. Pas besoin de téléréalité ni de films ou de recherches d’infos sur le…euh…la situation actuelle sur internet pour au moins quelques heures. Des choses importantes sur le relationnel qui viennent sur le tapis une bonne fois pour toutes. Puis rien n’empêche de se regarder un bon film ensemble par la suite !

Pour donner des pistes d’action, je vous conseille vivement les principes de base de la communication non violente (« communication bienveillante » serait plus joli, c’est bien vrai ) par Marshall Rosenberg :


4 principes de base pour une communication claire et emphatique

1) Observation : je décris les faits concrets, sans juger ni généraliser

2) Sentiment : je nomme ce que je ressens

3) Besoin: (étape la plus importante !) : j’identifie le besoin qui se cache derrière ce que je ressens et je l’exprime

4) Demande : j’exprime une demande claire, sans attendre que l’autre devine mes besoins. Cela débloque la situation et permet de pouvoir passer a l’action, d’avancer.


C’est l’occasion de faire des jeux de rôles entre vous pour tester ces étapes dans des (petites !) situations du quotidien pour s’entraîner !

Ce qui est bien c’est que ces étapes s’appliquent dans le contact avec d’autres personnes (Les co-confinés ou les autres, par téléphone), mais tout autant dans le contact avec soi-même !

Ce qui nous amène au deuxième mini chapitre :

L’acceptation de soi, être doux avec soi même

Parce que la personne principale avec qui on vit ce confinement, c’est soi-même ! Et là c’est pareil qu’avec les autres dans la maison, on arrive parfois à se fatiguer soi même à se voir tout le temps le nez au milieu de la figure. Là aussi, moins d’échappatoires et de distractions possibles face à des ressentiments et des réactions assez fortes qui peuvent nous attendre au coin de la chambre et du cerveau, dans cette situation actuelle. Donc là pareil, ça vaut le coup d’essayer, ne serait ce par curiosité, d’appliquer les quatre étapes quand on vit avec soi-même un moment difficile a passer, un sale quart d’heure quoi. Et au final tout simplement essayer d’être un peu plus sympa avec soi-même. Plus doux, plus indulgent, plus tolérant, plus bienveillant.

Petit exercice tout simple, mais qui fait son effet ; qu’est ce que je dirais à une très bonne amie si elle était dans ma situation ? Même si il s’avère qu’elle a pris une décision pourrie ou qu’elle a commise une erreur. Vous visualisez ? Je suis sûre que vous lui diriez des trucs assez bienveillants malgré tout. Alors autant en faire autant face à soi même. On a soi même aussi le droit a l’erreur, le droit de ressentir de la peur, de l’énervement, de la tristesse, de pas assurer certains jours, surtout dans les circonstances actuelles (et après la pandémie aussi d’ailleurs !;)).

D’ailleurs, même si ça va paraître paradoxal, mais même tous ces exercices, bons conseils bien-être, super techniques….si ça marche pas tout de suite, voire même si on lit tout ça et qu’on fait absolument rien par la suite, eh bien ce n’est pas grave ! Même si on fait rien de tout ça, on s’aime et on s’accepte quand même comme on est ! C’est comme un petit mantra a se répéter. C’est important !

Une des définitions de l’estime de soi qui me plait beaucoup, par la psychothérapeute Esther Perel : « L’estime de soi est la capacité à se voir soi même comme une personne imparfaite, mais de quand même se trouver OK ». Alors dans une période ou tout fiche le camp, on a le droit de ne pas être parfait (et en temps aussi normal d’ailleurs…. !).

Pour aller plus loin : Je conseille la technique de « l’E.F.T.  tapping », technique de psychothérapie énergétique basée sur les principes de l’acupuncture et de l’auto suggestion positive permettant de réduire le stress causé par des pensées et situations désagréables.

Pour donner un aperçu voici le principe de base :


La technique de « l’EFT tapping »

Déclinez la phrase suivante, selon ce qui vous préoccupe :

« Même si je ne fais pas tous ces exercices de psy/ j’ai peur de mourir/je me fais du souci pour mes proches/ j’ai touché la poignée de porte/ j’ai encore pas fait la vaisselle  (…), je m’accepte et je m’aime comme je suis ». Et pendant que vous répétez ces mantras, tapotez avec l’index et le majeur sur les points suivants : l’intérieur du sourcil, le coin extérieur de l’oeuil, sous l’oeuil, entre le nez et la bouche, entre bouche et menton, sous la clavicule, sur le bord de la main en dessous du début du petit doigt.


Vous l’aurez remarqué, c’est un peu galère à expliquer sans images, je vous invite à vraiment apprendre cette méthode en bonne et due forme si elle vous parle, car c’est bien évidemment bien plus complexe que ma description brève dans cet écrit, mais ce qui m’importe vraiment de faire passer, c’est le message de l’acceptation de soi. Dans le doute, commencez déjà par verbaliser ces phrases d’auto-suggestion positive. Essayez, faites les varier, soyez créatifs et osez tenter quelque chose de nouveau, quitte a vous faire vous même votre exercice sur mesure.

On se rend compte en ce moment plus que jamais que c’est important de savoir s’aider soi-même, prendre soin de soi-même.

Et bonne nouvelle, pour prendre soin de son psychisme, il y a énormément de choses que l’on peut faire pour soi-même qui sont tellement simples et évidentes, voire même qu’on fait déjà intuitivement depuis longtemps, qu’on oublierait presque de les prendre au sérieux.

D’ailleurs, pour conclure, même si mon explication de la méthode du tapping casse pas des baraques, je m’accepte et je m’aime comme je suis ! 😉

Du coup je vais passer à un domaine ou je m’y connais vraiment bien pour terminer en beauté : La résilience et le renforcement des ressources par les techniques de stabilisation. Ayant travaillée huit années en Allemagne en psychotraumatologie et la méthode de l’EMDR (désensibilisation et reprogrammation par le mouvement occulaire) , ce domaine me tient particulièrement à cœur.

Stabilité et résilience

La résilience, ou capacité de résistance psychique, est la capacité à surmonter des crises en ayant recours à des ressources personnelles et sociales. À retomber sur ses pattes après un choc émotionnel ou pendant des circonstances difficiles, ou des « situations actuelles ». Bien que je ne compare le confinement en soi ni à la guerre, ni a un psychotraumatisme, il est évident qu’entre ceux qui font comme si de rien n’était en mettant les oeillères, ceux qui sont privilégiés, ceux qui frôlent la crise d’angoisse, la dépression, le surmenage, et ceux qui sont physiquement touchés et mal en point, le spectre est très large, mais pour la grande majorité des humains, ce n’est pas le printemps le plus décontracté qui soit, je pense qu’on est tous d’accord au moins sur ce point la.

Donc il me paraît pertinent de nommer deux techniques de base de la psychotraumatologie visant justement a renforcer les capacités de l’individu à se stabiliser, à plus facilement gérer ses réactions de stress et à retomber sur ses pattes plus aisément.


La technique du coffre fort

Alors allons-y, la technique du coffre fort pour commencer : les pensées, les peurs, les soucis semblent parfois indomptables et nous bloquent l’esprit à n’importe quel moment, voire un peu tout le temps. À nous de décider quand on veut s’occuper de tel problème, penser à tel souci. Mais avant toute chose, c’est notre conscient qui doit décider du moment choisi. Il y à un temps pour tout. Il ne s’agit pas de refouler ce qu’on ressent, les pensées, les peurs, ou les émotions ou les flash-backs, mais de les stationner, proprement, consciencieusement, à un endroit (mental) ou ils seront en sécurité, et ou on ira les retrouver quand le moment sera venu de s’en soucier ou d’y penser.

Concrètement, commencez par un exercice de pleine conscience pour vous ancrer dans le moment présent, fermez les yeux ou regardez un point précis, observez votre respiration par exemple. Puis visualisez la pensée ou la situation qui vous préoccupe, donnez lui une forme, ça peut être une photo, un objet qui symbolise le problème en question, voire même une scène d’une situation qui se trouverait sur un DVD ou une clé USB. Libre à vous d’être créatifs, pourvu que ça vous parle directement. Puis visualisez, avec autant de détails possibles, que vous prenez cet objet et que vous le placez dans un tiroir particulier d’un grand coffre fort, dont vous seul connaîtrez le code. Personne peut y accéder, ça ne bougera pas, ce ne sera pas refoulé mais simplement placé très soigneusement, de manière très respectueuse et bienveillante à un endroit bien choisi. L’objet, et donc le thème vous y attendra jusqu’à ce que vous décidiez de vous y consacrer à nouveau, de plein gré, quand vous aurez l’esprit assez clair pour que ça rime à quelque chose. Ou lors de votre prochaine séance chez votre psy (certainement par téléphone, ou en chair et en os quand on pourra de nouveau consulter en face a face !).


L’exercice du « safe place » ou abri de sérénité

Là, pareil, certainement on le fait déjà tous de manière intuitive sans trop s’en apercevoir, et tant mieux ! Cet exercice fondamental de visualisation  est un de ceux qu’on sous-estime facilement car ça paraît tellement simple, mais au final c’est un des piliers de la capacité de résilience. Il demande un peu d’entraînement tout au plus.

Pareil pour cet exercice, il s’agit d’une visualisation. Donc commencez par un exercice de pleine conscience en vous focalisant sur le moment présent, votre respiration, d’ici et maintenant.

Puis ensuite c’est parti, et il n’y a pas de limite a l’imaginaire et a la créativité ; imaginez vous mentalement un endroit agréable, un havre de paix, un cocon cosy, un chill out lounge, un petit refuge serein, une petite cabane secrète, une plage chaude rien que pour vous, un jardin magique avec un énorme lit et des coussins doux et colorés rien que pour vous, avec la température que vous aimez en ce moment présent, les bruits ou musiques qui vous font du bien, la nourriture ou les boissons que vous aimez, une délimitation qui vous sécurise et où seul vous pouvez accéder, où vous vous sentez sûr, serein, rassasié, aimé, porté et consolé. Utilisez vraiment tous vos sens pour imaginer le moindre détail agréable de ce lieu. Vous pouvez le changer, le modifier, le sublimer sans limites, jusqu’à ce que vous vous y sentiez totalement à l’aise, en sécurité. Pour le coup, le créateur, l’architecte de ce lieu apaisant c’est vous et personne d’autre, alors faites vous plaisir ! Vous pouvez associer un geste ou un nom à cet endroit, afin de pouvoir y retourner plus rapidement dans le futur.

Je vous conseille de faire cet exercice assez souvent, même quand tout va bien, pour que vous puissiez y accéder rapidement quand ça va moins bien (et généralement quand on est pas bien, on fait que les trucs qui viennent facilement, d’où l’intérêt d’en faire une nouvelle mini habitude, par exemple lors de la sieste ou avant de dormir pour commencer).


Voilà, je vous laisse sur ce joli exercice, sur cette note en douceur. Visualisez aussi dés maintenant l’après (si, si, vous savez de quoi je veux parler ! Et c’est une certitude aussi, il y aura un après !), avec le plus de détails possibles des belles choses qui vous attendent.

Je vais faire pareil en allant enfin me coucher.

PS : Étant du métier, je me dois quand même de préciser que ces exercices ne remplacent évidemment pas un accompagnement ciblé en cas de symptômes amplifiés ou d’un mal-être croissant qui semble de plus en plus difficile à surmonter seul. Les circonstances actuelles viennent pour certains d’entre nous s’ajouter à de très gros soucis personnels, à des deuils, à des angoisses, à des symptômes psychosomatiques ou autre. Que ce soit dans la situation actuelle, ou dans n’importe quelle autre situation d’ailleurs, il est important de savoir demander du soutien et de l’aide extérieure quand c’est nécessaire. Que ce soit a votre entourage ou a un professionnel.

PPS : Sachant que nous avons deux semaines de confinement en plus,  n’hésitez pas à me contacter par Courriel si vous avez des questions sur les techniques proposées. Ou simplement écrivez moi si vous aussi vous êtes en train de planter les patates et que vous voulez en parler!:).

Au plaisir !

 

Psych.M.Sc. Dorothée Bölling 

Contact: dbolling@protonmail.com

Bibliographie

Bohne, M. (2011) : Bitte klopfen! Anleitung zur emotionalen Selbsthilfe, Carl-Auer

Rust, S. (2015) : Quand la girafe danse avec le chacal : Les quatre temps de la communication non violente , Ed. Jouvence

Reddemann, L. (2008): Imagination als Heilsame Kraft, zur Behandlung von Traumafolgen mit ressourcenorientierten Verfahren,  Ed.Klett-Kota

Rosenberg, M. (2017): La communication non violente au quotidien, Ed. Jouvence

A regarder et écouter :

https://www.youtube.com/watch?v=qjZRWGpAUnE

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